Respect Monsieur Jacques Brel !
Jacques Romain Georges Brel est issu d'une famille catholique flamande d'industriels ; son père, Romain Brel, né à Zandvoorde, est francophone de souche flamande, et sa mère Lisette Van Adorpest bruxelloise. Enfant, il est peu intéressé par l'école, excepté par les cours de français. Avec son frère, Pierre, de 6 ans son aîné, Jacques connaît une éducation entre collège catholique et scoutisme. Il écrit à 15 ans de longs poèmes et des nouvelles après avoir lu Jules Verne et Jack London. À 16 ans, il crée une troupe de théâtre avec quelques copains et écrit lui-même des pièces qu'il joue en amateur au sein de la Franche Cordée (mouvement de jeunesse catholique). Son père le fait entrer dans la cartonnerie familiale « Vanneste & Brel » où il est affecté de 1947 à 1953 au service commercial, travail pour lequel il n'a aucun goût. Il songe très sérieusement à une reconversion, soit en tant qu'éleveur de poules, soit en tant que cordonnier, soit comme chanteur. Il choisit cette dernière voie et écrit n'importe où, n'importe quand. Amateur de musique classique (principalement de Maurice Ravel et de Schubert), il compose ses premières mélodies sur le piano familial et sur sa guitare sans jamais avoir pratiqué la musique auparavant.
Le 1er juin 1950, il épouse Thérèse Michielsen, dite « Miche », secrétaire dans une entreprise d'électricité, qu'il a rencontrée trois ans plus tôt dans la Franche Cordée. Le 6 décembre 1951 naît sa fille Chantal. Cette année est aussi celle où il commence à chanter.
À partir de 1952, il écrit et compose ses premières chansons qu'il chante dans le cadre familial, et à diverses soirées dans des cabarets bruxellois regroupés dans le quartier de l'« îlot sacré ». Il fait déjà preuve de cette puissance lyrique (tant dans les textes que dans son interprétation encore trop teintée de scoutisme) qui rebute sa famille. Elle tente, en vain, de le dissuader de continuer dans cette voie. Lui persévère.
En 1953 il réalise un disque maquette, 78 tours qu'il envoie à Jacques Canetti, découvreur de talents chez Philips et propriétaire du cabaret « Les Trois Baudets ». Le 1er juin 1953, appelé par Jacques Canetti, il quitte la capitale belge pour se rendre seul à Paris. Sa famille ne lui coupe pas les vivres, mais le laisse se débrouiller seul en lui gardant une place dans l'entreprise familiale de cartonnerie. Son émigration est à l'origine du prénom de sa deuxième fille France, née le 12 juillet 1953. Il se retrouve dans une petite chambre inconfortable de l'hôtel Stevens à Pigalle. Jacques Canetti l'auditionne et lui conseille de participer au festival de Knokke-le-Zoute : il s'y classe avant-dernier. Pour gagner un peu d'argent, il enseigne la guitare au danseur-acrobate Francesco « Cocky » Frediani, un artiste italien paraissant alors à l'affiche du cabaret La nouvelle Eve. Ce dernier, témoin des premiers pas du débutant, l'accompagne d'ailleurs lors de son premier passage à l'Olympia en « lever de rideau » (moment où les spectateurs entrent dans la salle et s'installent à leur place). Les conditions de travail sont difficiles pour Jacques : il n'a pas de loge et doit se changer derrière le bar de l'Olympia. Après une représentation Bruno Coquatrix le remarque, le félicite de sa prestation et l'invite à lui rendre visite pour discuter d'un prochain passage.
Pour Jacques Brel, les difficultés continuent, encombré qu'il est de ses longs bras, de son grand corps maladroit. En janvier 1955, Brel fait ses débuts à l'« Ancienne Belgique », célèbre salle de concert bruxelloise, dans l'avant-programme de Bobbejaan Schoepen et Jacques Canetti continue de l'envoyer dans des tournées où il se produit notamment en vedette américaine de Philippe Clay, Dario Moreno et Catherine Sauvage qui devient son amante.
En 1955, il fait venir sa femme et ses deux fillettes en France et la famille s'installe à Montreuil. C'est l'année de son premier 33 tours et de sa rencontre avec Georges Pasquier, qui deviendra son régisseur et son meilleur ami, auquel, en 1978, il dédira la chanson Jojo, (album Les Marquises). Imprégné encore de l'influence du scoutisme et de son éducation catholique, il chante pour des organisations chrétiennes. C'est à cette époque que Georges Brassens le surnomme « l'abbé Brel ».
La consécration
En 1956, il rencontre le pianiste François Rauber, qui devient son accompagnateur. Cette même année paraît son premier grand succès public, Quand on n'a que l'amour. En 1957, pressé d'achever ses études musicales au conservatoire, François Rauber renonce aux tournées à travers le pays. Il est alors remplacé par un autre étudiant du conservatoire, Gérard Jouannest, qui composera pour Brel les musiques de 35 de ses chansons[10]. Jouannest est son accompagnateur exclusif sur scène, tandis que Rauber, revenu vers Brel une fois son diplôme obtenu, est son principal orchestrateur. Les deux musiciens resteront fidèles à Brel et à son œuvre, au-delà même de sa mort, luttant vainement contre la publication de cinq inédits en 2008 que Brel lui-même jugeait inaboutis.
Petit à petit, Brel trouve son style et son public, et connaît enfin le succès lors de ses galas. Entre autres particularités, Brel ne cède jamais à la tradition du rappel, qu'il juge démagogique En 1957, son second 33 tours reçoit le grand prix de l'Académie Charles-Cros et, fin 1958, année de naissance de sa troisième fille, Isabelle, c'est le succès à l'Olympia en première partie. L'année suivante, il est tête d'affiche à Bobino, où il crée Ne me quitte pas et La valse à mille temps. Dès lors, les tournées s'enchainent à un rythme infernal, Brel donnant parfois plus de concerts qu'il n'y a de jours dans l'année. En mars 1962, il quitte la maison de disques Philips pour Barclay (avec qui il signera un contrat exceptionnel de trente ans en 1972). Le 6 mars 1962, il enregistre Le Plat Pays, hommage à la Flandre. En octobre 1962, il crée sa maison d'éditions musicales « Arlequin », qui devient six mois plus tard les éditions « Pouchenel » (Polichinelle en bruxellois). Son épouse en est la directrice. En 1963, il interprète Les Vieux en référence à ses parents. La mort de son père, suivie de très près par celle de sa mère, amène Brel à évoluer vers des chansons de plus en plus dramatiques, telles que La Fanette, Au suivant ou encore en 1964 Amsterdam[réf. nécessaire]. En 1966 au sommet de son art, Jacques Brel sort Ces gens-là un nouvel album qui outre la chanson éponyme compte plusieurs titres qui deviennent des classiques incontournables de son œuvre : Ces gens-là, Jef, La Chanson de Jacky, Le Tango funèbre, Fernand, Mathilde.... Cette même année, à 37 ans, Jacques Brel décide d'abandonner la scène. Pour autant il honore ses contrats pendant encore plus d'un an et fait ses adieux à l'Olympia. Le 16 mai 1967, il donne son dernier récital à Roubaix.
L'abandon de la scène pour d'autres horizon.
Mais il ne reste pas inactif pour autant : durant l'été 1967, il joue dans son premier long métrage, Les Risques du métier du réalisateur André Cayatte ; le film est un succès public. Puis, sur son voilier commence à naviguer. Deux albums paraissent : Jacques Brel 67, où figurent La Chanson des vieux amants et quelques titres créés sur scène l'année de ses adieux dont Mon enfance et Le Cheval... En 1968, parait l'album J'arrive dont certaines chansons sont filmées en studio ou sur plateaux de télévision : Vesoul, L'Éclusier, Je suis un soir d'été, Regarde bien petit. Ce dernier titre annonce la thématique de son prochain spectacle consacré à don Quichotte[réf. nécessaire] tout en reprenant le thème du Désert des Tartares de Dino Buzzati que Brel a déjà utilisé dans Zangra et dont La ville s'endormait sera un nouvel écho en 1977.
En octobre 1968, à Bruxelles, au théâtre royal de l'opéra,la Monnaie, il crée la version francophone de L'Homme de la Mancha, interprétant le rôle de don Quichotte au côté de Dario Moreno dans celui de Sancho Pança. Le spectacle doit être repris à Paris en décembre, mais Dario Moreno meurt le 1er décembre 1968 à 47 ans d'une hémorragie cérébrale à l'aéroport d'Istanbul, avant le décollage de son avion (ou, selon d'autres sources, d'un infarctus du myocarde dans un taxi en route pour l'aéroport). Robert Manuel reprend le rôle pour le spectacle présenté en décembre à Paris.
Au début de l'été 1969, Brel est mon Mon oncle Benjamin, dans le film d'Édouard Molinaro, dont il compose la musique avec François Rauber. Claude Jade, qui a 20 ans à cette époque, racontera : « Ma rencontre avec Jacques Brel a lieu à Vézelay [...] il se montre d'emblée d'une grande sympathie [...] Il sort des longues et fatigantes représentations de l'Homme de la Mancha qui a été un beau succès et il a gardé pour le film les cheveux longs de don Quichotte [...] Il est cordial, sympathique, ouvert et attentionné aux autres, et l'atmosphère gaie et chaleureuse du tournage lui doit beaucoup. [...] Jacques est passionné d'aviation, [...] à l'aérodrome de Toussus-le-Noble, le dernier jour [...] il était heureux à l'idée de s'envoler vers le Midi et nous a parlé de cette passion, des ciels, des paysages, des voyages... »
Il tourne encore plusieurs autres films et en réalise lui-même deux : Franz en 1971, partageant l'affiche avec Barbara. En 1973, sort sur les écran Le Far West, qui est un échec. À l'occasion de cette sortie, Brel, à Cannes, à participe à l'émission radiophonique de Jacques Chancel Radioscopie.
Pour son dernier rôle au cinéma, il campe le dépressif François Pignon, le personnage récurrent de Francis Veber, face au tueur à gages « monsieur Milan », alias Lino Ventura, dans L'Emmerdeur, à nouveau réalisé par Édouard Molinaro.
Le succès l'attend aux États-Unis d'Amérique et au Royaume-Uni. Des traductions en anglais de ses chansons sont accueillies avec succès et enregistrées par David Bowie (Amsterdam), Scott Walker (Amsterdam, Mathilde), Marc Almond, le groupe Goodbye Mr. Mackenzie (en) (Amsterdam), Terry Jacks (Le moribond) et Alex Harvey. Jacques Brel is alive and well and living in Paris est une comédie musicale américaine qui est jouée dans le monde entier pendant plusieurs années. Elle comprend des traductions à rimes, assemblées en 1968 par Mort Shuman, ami de Jacques Brel. En 1974, le spectacle est adapté au cinéma.
En 1974, il abandonne le spectacle et part en voilier (l'Askoy) avec Maddly Bamy, rencontrée lors du tournage de L'Aventure c'est l'aventure de Claude Lelouch. Mais il est déjà malade. On l'opère d'un cancer au poumon. Il décide de se retirer aux Marquises. Pilote privé depuis le 28 juin 1965 (brevet TT 16060) et utilisateur d'un bimoteur Beechcraft Twin-Bonanza baptisé Jojo, en souvenir de son vieil ami disparu en 1974 Georges Pasquier, immatriculé F-ODBU acheté par Maddly Bamy le 30 novembre 1976, il y fait l'avion-taxi pour rendre service aux habitants en les transportant entre Hiva-Oa (Marquises) et Tahiti sur un trajet maritime de mille quatre cent trente kilomètres, soit un vol d'environ cinq heures.
En 1977, malgré la maladie, il revient à Paris pour enregistrer son dernier 33 tours qui paraît le 17 novembre, avec un record d'un million de précommandes. Il s'en écoule trois cent mille dans l'heure qui suit la mise en vente. La chanson Les Marquises, qui clôt l'album, s'achève sur ces paroles « Veux-tu que je te dise / Gémir n'est pas de mise / Aux Marquises ». Il retourne aux Marquises après cet enregistrement, avant que, en juillet 1978, son cancer du poumon ne s'aggrave.
Mort de Jacques Brel.
Il est ramené en France métropolitaine où il meurtle 9 octobre 1978 à l'hôpital Avicenne de Bobigny. En 1981, sa fille France crée à Bruxelles la Fondation Jacques-Brel destinée à faire connaître à un large public l'œuvre de l'artiste, à soutenir la recherche contre le cancer et l'aide à l'enfance hospitalisée. Jacques Brel repose au cimetière d'Atuona, commune d’Hiva Oa, aux îles Marquises, non loin de la tombe de Paul Gauguin. Sa plaque mortuaire est à l'origine d'un différend entre la famille Brel et Maddly Bamy en 1999. Sa dernière compagne gagne le procès en justice et obtient le droit de mettre sur la pierre tombale l'effigie de leurs deux visages tournés vers le soleil couchant.
En décembre 2005, il est élu au rang du plus grand Belge de tous les temps par le public de la RTBF. En 2008, les cinq inédits de 1977 paraissent finalement.
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